Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/50

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créatures semblables, que ne peut-on les saisir et les emporter, quand ce ne serait que pour les parer, leur dire qu’elles sont belles et les admirer ! Qu’importe qu’elles ne comprennent pas le mystère de notre exaltation, brutes comme toutes les idoles, ensorcelantes comme elles, faites seulement pour être aimées par des cœurs délirants, et fêtées par des mots dignes de leur beauté !

Si j’avais le choix cependant entre la plus belle des créatures vivantes et la femme peinte du Titien que huit jours plus tard je revoyais dans la salle de la tribune à Florence, je prendrais la femme peinte du Titien.

Florence, qui m’appelle comme la ville où j’aurais le plus aimé vivre autrefois, qui a pour mes yeux et pour mon cœur un charme inexprimable, m’attire encore presque sensuellement par cette image de femme couchée, rêve prodigieux d’attrait charnel. Quand je songe à cette cité si pleine de merveilles qu’on rentre à la fin des jours courbaturé d’avoir vu comme un chasseur d’avoir marché, m’apparaît soudain lumineux, au milieu des souvenirs qui jaillissent, cette grande toile longue, où se repose cette grande femme