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LA PITIÉ



M. le docteur de Cyon publiait dernièrement ici même une étude sur la vivisection et sur le ridicule attendrissement qui fait s’indigner les bonnes âmes devant les travaux cruels des physiologistes expérimentateurs. J’ai entendu dire souvent, depuis que cette question remue de nouveau l’opinion : « Cela devrait être défendu de martyriser ainsi les bêtes au nom d’une science féroce et souvent impuissante. » Or il ne serait pas difficile de citer les immenses résultats obtenus déjà au bénéfice de l’humanité. Le public, n’en percevant pas les avantages immédiats, les méconnaît. Simple ignorance de sa part. Mais, puisque nous avons une telle provision de commisération à dépenser, on la pourrait mieux employer.

Il est un misérable animal dont la vie entière n’est qu’un martyre, un horrible martyre, dont toutes les heures douloureuses sont données à notre service ; qui ne connaît aucun repos, aucune gaieté, aucune gambade libre, aucun répit dans son effroyable existence de coups reçus, de fatigues torturantes, de labeur violent, incessant, meurtrier, que nous voyons dans les rues, saignant sous le collier qui le déchire, avec des plaies hideuses aux flancs, les jambes