Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/118

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— Qu’est-ce que tu as, dit-elle, à venir si tôt ? Il n’est pas encore neuf heures.

La petite baronne, très pâle, nerveuse, fiévreuse, répondit :

— Il faut que je te parle. Il m’arrive une chose horrible.

— Entre, ma chérie.

Elle entra, elles s’embrassèrent ; et la petite marquise se recoucha pendant que la femme de chambre ouvrait les fenêtres, donnait de l’air et du jour. Puis, quand la domestique fut partie, Mme de Rennedon reprit : «Allons, raconte.»

Mme de Grangerie se mit à pleurer, versant ces jolies larmes claires qui rendent plus charmantes les femmes, et elle balbutiait sans s’essuyer les yeux pour ne point les rougir : « Oh ! ma chère, c’est abominable, abominable, ce qui m’arrive. Je n’ai pas dormi de la nuit, mais pas une minute ; tu entends, pas une minute. Tiens, tâte mon cœur, comme il bat. »

Et, prenant la main de son amie, elle la posa sur sa poitrine, sur cette ronde et ferme enveloppe du cœur des femmes, qui suffit souvent aux hommes et les empêche de rien chercher dessous. Son cœur battait fort, en effet.

Elle continua :