Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/149

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fonde. De place en place, une lumière brillait derrière une vitre : une famille était restée pour garder sa demeure à peu près debout, une famille de braves ou de pauvres. La pluie commençait à tomber, une pluie menue, glacée, qui nous gelait avant de nous avoir mouillés, rien qu’en touchant les manteaux. Les chevaux trébuchaient sur des pierres, sur des poutres, sur des meubles. Marchas nous guidait, à pied, devant nous, et tramant sa bête par la bride.

— Où nous mènes-tu ? lui demandai-je. Il répondit :

— J’ai un gîte, un bon.

Et il s’arrêta bientôt devant une petite maison bourgeoise demeurée entière, bien close, bâtie sur la rue, avec un jardin derrière.

Au moyen d’un gros caillou ramassé près de la grille, Marchas fit sauter la serrure, puis il gravit le perron, défonça la porte d’entrée à coups de pied et à coups d’épaule, alluma un bout de bougie qu’il avait toujours en poche, et nous précéda dans un bon et confortable logis de particulier riche, en nous guidant avec assurance, avec une assurance admirable, comme s’il avait vécu dans cette maison qu’il voyait pour la première fois.