Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/167

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rouge. Et ce sang s’était figé sur lui, était devenu terne, mêlé de boue, horrible à voir.

Le vieillard, enveloppé dans une grande limousine de berger, entr’ouvrait par moments ses yeux, mornes, éteints, sans pensée, qui paraissaient stupides d’étonnement, comme ceux des bêtes que le chasseur tue et qui le regardent, tombées à ses pieds, aux trois quarts mortes déjà, abruties par la surprise et par l’épouvante.

Le curé s’écria :

— Ah ! c’est le père Placide, le vieux pasteur des Moulins. Il est sourd, le pauvre, et n’a rien entendu. Ah ! mon Dieu ! vous avez tué ce malheureux !

La Sœur avait écarté la blouse et la chemise, et regardait au milieu de la poitrine un petit trou violet qui ne saignait plus.

— Il n’y a rien à faire, dit-elle.

Le berger, haletant affreusement, crachait toujours du sang avec chacun de ses derniers souffles, et on entendait dans sa gorge, jusqu’au fond de ses poumons, un gargouillement sinistre et continu.

Le curé, debout au-dessus de lui, leva sa main droite, décrivit le signe de la croix et prononça, d’une voix lente et solennelle, les paroles latines qui lavent les âmes.

Avant qu’il les eût achevées, le vieillard