Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/168

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fut agité d’une courte secousse, comme si quelque chose venait de se briser en lui. Il ne respirait plus. Il était mort.

M’étant retourné, je vis un spectacle plus effrayant que l’agonie de ce misérable : les trois vieilles, debout, serrées l’une contre l’autre, hideuses, grimaçaient d’angoisse et d’horreur.

Je m’approchai d’elles, et elles se mirent à pousser des cris aigus, en essayant de se sauver, comme si j’allais les tuer aussi.

La Jean-Jean, que sa jambe brûlée ne portait plus, tomba tout de son long par terre.

La Sœur Saint-Benoît, abandonnant le mort, courut vers ses infirmes, et sans un mot pour moi, sans un regard, les couvrit de leurs châles, leur donna leurs béquilles, les poussa vers la porte, les fit sortir et disparut avec elles dans la nuit profonde, si noire.

Je compris que je ne pouvais même les faire accompagner par un hussard, car le seul bruit du sabre les eût affolées.

Le curé regardait toujours le mort.

S’étant enfin retourné vers moi : ― Ah ! quelle vilaine chose, dit-il.


Les Rois ont paru dans le Gaulois du 23 janvier 1887.