Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/267

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air léger, si léger, si doux, si savoureux que jamais de ma vie je n’avais respiré avec tant de bonheur. Un bien-être profond, inconnu, m’envahit, bien-être du corps et de l’esprit, fait de nonchalance, de repos infini, d’oubli, d’indifférence à tout et de cette sensation nouvelle de traverser l’espace sans rien sentir de ce qui rend insupportable le mouvement, sans bruit, sans secousses et sans trépidations.

Tantôt nous montons et tantôt nous descendons. De minute en minute, le lieutenant Mallet, suspendu dans sa toile d’araignée, dit au capitaine Jovis : « Nous descendons, jetez une demi-poignée » Et le capitaine, qui cause et rit avec nous, un sac de lest entre ses genoux, prend dans ce sac un peu de sable et le jette par-dessus bord.


Rien n’est plus amusant, plus délicat et plus passionnant que la manœuvre du ballon. C’est un énorme joujou, libre et docile, qui obéit avec une surprenante sensibilité, mais qui est aussi, et avant tout, l’esclave du vent, auquel nous ne commandons pas.

Une pincée de sable, la moitié d’un journal, quelques gouttes d’eau, les os du poulet qu’on vient de manger, jetés au-dehors, le font monter brusquement.

Le fleuve ou le bois qu’on traverse, nous