Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/268

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soufflant un air humide et froid, le fait descendre de deux cents mètres. Sur les blés mûrs il se maintient, et sur les villes il s’élève.

La terre dort maintenant, ou plutôt l’homme dort sur la terre, car les bêtes éveillées annoncent toujours notre approche. De temps en temps le roulement d’un train, nous arrive ou le sifflet de la machine. Sur les lieux habités nous faisons mugir la sirène : et les paysans affolés dans leurs lits doivent se demander en tremblant si c’est l’ange du jugement dernier qui passe.

Mais une odeur de gaz, forte et continue, nous frappe : nous avons rencontré sans doute un courant chaud, et le ballon se gonfle, perdant son sang invisible par le tuyau d’échappement, qu’on nomme appendice et qui se referme de lui-même dès que cesse la dilatation.

Nous montons. La terre déjà ne nous renvoie plus l’écho de nos trompes ; nous avons déjà passé six cents mètres. On n’y voit pas assez pour consulter les instruments, on sait seulement que les feuilles de papier de riz tombent sous nous comme des papillons morts, que nous montons toujours, toujours. On ne distingue plus la terre ; des brumes légères nous en séparent ; et sur nos têtes, le peuple des étoiles scintille.