Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/77

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Tous les jours elle me reprochait ma douceur : « C’est moi qui ne me laisserais pas faire ci ! C’est moi qui ne me laisserais pas faire ça. » En l’écoutant, m’sieu l’président, j’aurais eu au moins trois duels au pugilat par mois...

Mme Renard l’interrompit : « Cause toujours ; rira bien qui rira l’dernier. »

Il se tourna vers elle avec candeur :

— Eh bien, j’peux t’charger puisque t’es pas en cause, toi...

Puis, faisant de nouveau face au président :

— Lors je continue. Donc nous allions à Poissy tous les samedis soir pour y pêcher dès l’aurore du lendemain. C’est une habitude pour nous qu’est devenue une seconde nature, comme on dit. J’avais découvert, voilà trois ans cet été, une place ! mais une place ! Oh ! là ! là ! à l’ombre, huit pieds d’eau, au moins, p’têtre dix, un trou, quoi, avec des retrous sous la berge, une vraie niche à poisson, un paradis pour le pêcheur. Ce trou-là, m’sieu l’président, je pouvais le considérer comme à moi, vu que j’en étais le Christophe Colomb. Tout le monde le savait dans le pays, tout le monde sans opposition. On disait : « Ça, c’est la place à Renard ; » et personne n’y serait venu, pas même M. Plumeau, qu’est connu, soit dit