Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/83

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Colombine qu’écrit des articles dans le Gil-Blas. J’avais coutume de faire enrager Mme Renard en prétendant la connaître, c’te Colombine. C’est pas vrai, je la connais pas, je ne l’ai jamais vue, n’importe, elle écrit bien ; et puis elle dit des choses rudement d’aplomb pour une femme. Moi, elle me va, y en a pas beaucoup dans son genre.

Voilà donc que je commence à asticoter mon épouse, mais elle se fâche tout de suite, et raide, encore. Donc je me tais.

C’est à ce moment qu’arrivent de l’autre côté de la rivière nos deux témoins que voilà, M. Ladureau et M. Durdent. Nous nous connaissions de vue.

Le petit s’était remis à pêcher. Il en prenait que j’en tremblais, moi. Et sa femme se met à dire : « La place est rudement bonne, nous y reviendrons toujours, Désiré ! »

Moi, je me sens un froid dans le dos. Et Mme Renard répétait : « T’es pas un homme, t’es pas un homme. T’as du sang de poulet dans les veines. »

Je lui dis soudain : « Tiens, j’aime mieux m’en aller, je ferais quelque bêtise. »

Et elle me souffle, comme si elle m’eût mis un fer rouge sous le nez : « T’es pas un homme. V’là qu’tu fuis, maintenant, que tu rends la place ! Va donc, Bazaine ! »