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LE VAGABOND

toute la plaine était nue sans lui montrer un refuge. Il avait froid ; et il regardait une lumière qui brillait entre les arbres, à la fenêtre d’une maison.

La vache s’était recouchée, lourdement. Il s’assit à côté d’elle, en lui flattant la tête, reconnaissant d’avoir été nourri. Le souffle épais et fort de la bête, sortant de ses naseaux comme deux jets de vapeur dans l’air du soir, passait sur la face de l’ouvrier qui se mit à dire : « Tu n’as pas froid là-dedans, toi. »

Maintenant, il promenait ses mains sur le poitrail, sous les pattes, pour y trouver de la chaleur. Alors une idée lui vint, celle de se coucher et de passer la nuit contre ce gros ventre tiède. Il chercha donc une place, pour être bien, et posa juste son front contre la mamelle puissante qui l’avait abreuvé tout à l’heure. Puis, comme il était brisé de fatigue, il s’endormit tout à coup.

Mais, plusieurs fois, il se réveilla, le dos ou le ventre glacé, selon qu’il appliquait l’un ou l’autre sur le flanc de l’animal ; alors il se retournait pour réchauffer et sécher la partie de son corps qui était restée à l’air de la nuit ; et il se rendormait bientôt de son sommeil accablé.

Un coq chantant le mit debout. L’aube allait paraître ; il ne pleuvait plus ; le ciel était pur.

La vache se reposait, le mufle sur le sol ; il se baissa en s’appuyant sur ses mains, pour baiser