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LE VAGABOND

cette large narine de chair humide, et il dit : « Adieu, ma belle… à une autre fois… t’es une bonne bête… Adieu… »

Puis il mit ses souliers, et s’en alla.

Pendant deux heures, il marcha devant lui, suivant toujours la même route ; puis une lassitude l’envahit si grande, qu’il s’assit dans l’herbe.

Le jour était venu ; les cloches des églises sonnaient, des hommes en blouse bleue, des femmes en bonnet blanc, soit à pied, soit montés en des charrettes, commençaient à passer sur les chemins, allant aux villages voisins fêter le dimanche chez des amis, chez des parents.

Un gros paysan parut, poussant devant lui une vingtaine de moutons inquiets et bêlants qu’un chien rapide maintenait en troupeau.

Randel se leva, salua : « Vous n’auriez pas du travail pour un ouvrier qui meurt de faim ? » dit-il.

L’autre répondit en jetant au vagabond un regard méchant :

— Je n’ai point de travail pour les gens que je rencontre sur les routes.

Et le charpentier retourna s’asseoir sur le fossé.

Il attendit longtemps ; regardant défiler devant lui les campagnards, et cherchant une bonne figure, un visage compatissant pour recommencer sa prière.

Il choisit une sorte de bourgeois en redingote, dont une chaîne d’or ornait le ventre.