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L’ORPHELIN

— Mais je t’assure que je n’ai rien.

Il n’avait pas beaucoup grandi, ayant toujours l’aspect d’un enfant, bien que les traits de sa figure fussent d’un homme. Ils étaient durs et comme inachevés cependant. Il semblait incomplet, mal venu, ébauché seulement, et inquiétant comme un mystère. C’était un être fermé, impénétrable, en qui semblait se faire sans cesse un travail mental, actif et dangereux.

Mlle Source sentait bien tout cela et elle ne dormait plus d’angoisse. Des terreurs affreuses l’assaillaient, des cauchemars épouvantables. Elle s’enfermait dans sa chambre et barricadait sa porte, torturée par l’épouvante !

De quoi avait-elle peur ?

Elle n’en savait rien.

Peur de tout, de la nuit, des murs, des formes que la lune projette à travers les rideaux blancs des fenêtres, et peur de lui surtout !

Pourquoi ?

Qu’avait-elle à craindre ? Le savait-elle !…

Elle ne pouvait plus vivre ainsi ! Elle était sûre qu’un malheur la menaçait, un malheur affreux.