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CRI D’ALARME

toujours de bonne foi, je sais mal distinguer les astuces naturelles de mes voisins, et je vais devant moi les yeux ouverts, sans regarder assez derrière les choses et derrière les attitudes.

Nous sommes habitués, presque tous, à prendre généralement les apparences pour les réalités, et à tenir les gens pour ce qu’ils se donnent ; et bien peu possèdent ce flair qui fait deviner à certains hommes la nature réelle et cachée des autres. Il résulte de là, de cette opinion particulière et conventionnelle appliquée à la vie, que nous passons comme des taupes au milieu des événements ; que nous ne croyons jamais à ce qui est, mais à ce qui semble être, que nous crions à l’invraisemblance dès qu’on montre le fait derrière le voile, et que tout ce qui déplaît à notre morale idéaliste est classé par nous comme exception, sans que nous nous rendions compte que l’ensemble de ces exceptions forme presque la totalité des cas ; il en résulte encore que les bons crédules, comme moi, sont dupés par tout le monde, et principalement par les femmes, qui s’y entendent.