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PAR UN SOIR DE PRINTEMPS

maniaient légèrement et délicatement ce qu’elles touchaient.

Quand on prononçait : « tante Lison », ces deux mots n’éveillaient pour ainsi dire aucune pensée dans l’esprit de personne. C’est comme si on avait dit : « la cafetière » ou « le sucrier. »

La chienne Loute possédait certainement une personnalité beaucoup plus marquée ; on la câlinait sans cesse, on l’appelait : « Ma chère Loute, ma belle Loute, ma petite Loute. » On la pleurerait infiniment plus.

Le mariage des deux cousins devait avoir lieu à la fin du mois de mai. Les jeunes gens vivaient les yeux dans les yeux, les mains dans les mains, la pensée dans la pensée, le cœur dans le cœur. Le printemps tardif cette année, hésitant, grelottant jusque-là sous les gelées claires des nuits et la fraîcheur brumeuse des matinées, venait de jaillir tout à coup.

Quelques jours chauds, un peu voilés, avaient remué toute la sève de la terre, ouvrant les feuilles comme par miracle, et répandant partout cette bonne odeur amollissante des bourgeons et des premières fleurs.