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LE GATEAU

de sorte qu’en se mêlait, ou plutôt non, on formait deux groupes. Madame, avec son escorte d’artistes, d’académiciens, de ministres, occupait une sorte de galerie, meublée et décorée dans le style Empire. Monsieur se retirait généralement avec ses laboureurs dans une pièce plus petite, servant de fumoir, et que Mme Anserre appelait ironiquement le salon de l’Agriculture.

Les deux camps étaient bien tranchés. Monsieur, sans jalousie, d’ailleurs, pénétrait quelquefois dans l’Académie, et des poignées de main cordiales étaient échangées ; mais l’Académie dédaignait infiniment le salon de l’Agriculture, et il était rare qu’un des princes de la science, de la pensée ou d’autre chose se mêlât aux laboureurs.

Ces réceptions se faisaient sans frais ; un thé, une brioche, voilà tout. Monsieur, dans les premiers temps, avait réclamé deux brioches, une pour l’Académie, une pour les laboureurs ; mais Madame ayant justement observé que cette manière d’agir semblerait indiquer deux camps, deux réceptions, deux partis. Monsieur n’avait point insisté ; de sorte qu’on ne servait qu’une