Page:Maupassant - Le Rosier de Madame Husson.djvu/14

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— Non, mon cher, quand on sait s’occuper. Une petite ville, en somme, c’est comme une grande. Les événements et les plaisirs y sont moins variés, mais on leur prête plus d’importance ; les relations y sont moins nombreuses, mais on se rencontre plus souvent. Quand on connaît toutes les fenêtres d’une rue, chacune d’elles vous occupe et vous intrigue davantage qu’une rue entière à Paris.

C’est très amusant, une petite ville, tu sais, très amusant, très amusant. Tiens, celle-ci, Gisors, je la connais sur le bout du doigt depuis son origine jusqu’à aujourd’hui. Tu n’as pas idée comme son histoire est drôle.

— Tu es de Gisors ?

— Moi ? Non. Je suis de Gournay, sa voisine et sa rivale. Gournay est à Gisors ce que Lucullus était à Cicéron. Ici, tout est pour la gloire, on dit : « les orgueilleux de Gisors. » À Gournay, tout est pour le ventre, on dit : « les mâqueux de Gournay. » Gisors méprise Gournay, mais Gournay rit de Gisors. C’est très comique, ce pays-ci.