Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/105

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Je me marie pour n’être pas seul !

Je ne sais comment dire cela, comment te faire comprendre. Tu auras pitié de moi, et tu me mépriseras, tant mon état d’esprit est misérable.

Je ne veux plus être seul la nuit. Je veux sentir un être près de moi, contre moi, un être qui peut parler, dire quelque chose, n’importe quoi.

Je veux pouvoir briser son sommeil ; lui poser une question brusquement, une question stupide pour entendre une voix, pour sentir une âme en éveil, un raisonnement en travail, pour voir, allumant brusquement ma bougie, une figure humaine à mon côté…, parce que… parce que… je n’ose pas avouer cette honte… parce que j’ai peur tout seul.

Oh ! tu ne me comprends pas encore.

Je n’ai pas peur d’un danger. Un homme entrerait, je le tuerais sans frissonner. Je n’ai pas peur des revenants ; je ne crois pas au surnaturel. Je n’ai pas peur des morts ; je crois à l’anéantissement définitif de chaque être qui disparaît.

Alors !… oui. Alors !… Eh bien ! J’ai peur de moi ! j’ai peur de la peur ; peur des spasmes de mon esprit qui s’affole, peur de cette horrible sensation de la terreur incompréhensible.