Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/79

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Je n’avais pas autre chose à faire, assurément, et je ramassai la robe tombée en rond comme un ballon crevé, sur le parquet, puis je la passai sur la tête de la fillette, et je m’efforçai de l’agrafer, de l’ajuster, avec une peine infinie. Elle m’aidait, en pleurant toujours, affolée, se hâtant, faisant toutes sortes d’erreurs, ne sachant plus retrouver les cordons ni les boutonnières ; et Mme Kergaran impassible, debout, sa bougie à la main, nous éclairait dans une pose sévère de justicier.

Emma, maintenant, précipitait ses mouvements, se couvrait éperdument, nouait, épinglait, laçait, rattachait avec furie, harcelée par un impérieux besoin de fuir ; et sans même boutonner ses bottines, elle passa en courant devant la patronne et s’élança dans l’escalier. Je la suivais en savates, à moitié dévêtu moi-même, répétant : « Mademoiselle ! mademoiselle ! »

Je sentais bien qu’il fallait lui dire quelque chose, mais je ne trouvais rien. Je la rattrapai juste à la porte de la rue, et je voulus lui prendre le bras, mais elle me repoussa violemment, balbutiant d’une voix basse et nerveuse : « Laissez-moi… laissez-moi, ne me touchez pas. »

Et elle se sauva dans la rue en refermant la porte derrière elle.