Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/80

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Je me retournai. Mme Kergaran était restée au haut du premier étage, et je remontai les marches à pas lents, m’attendant à tout, et prêt à tout.

La chambre de la patronne était ouverte. Elle m’y fit entrer en prononçant d’un ton sévère : « J’ai à vous parler, monsieur Kervelen. »

Je passai devant elle en baissant la tête. Elle posa sa bougie sur la cheminée puis, croisant ses bras sur sa puissante poitrine que couvrait mal une fine camisole blanche :

— Ah ça, monsieur Kervelen, vous prenez donc ma maison pour une maison publique ! »

Je n’étais pas fier. Je murmurai : « Mais non, madame Kergaran. Il ne faut pas vous fâcher, voyons, vous savez bien ce que c’est qu’un jeune homme. »

Elle répondit : « Je sais que je ne veux pas de créature, chez moi, entendez-vous. Je sais que je ferai respecter mon toit et la réputation de ma maison, entendez-vous ? Je sais… »

Elle parla pendant vingt minutes au moins, accumulant les raisons sur les indignations, m’accablant sous l’honorabilité de sa maison, me lardant de reproches mordants.

Moi — l’homme est un singulier animal —, au lieu de