Page:Maupassant - Louis Bouilhet, paru dans Le Gaulois, 21 août 1882.djvu/6

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C’était là une des passions du poète. Je lui citai, non sans une certaine pédanterie, ces vers anciens :


Puis, du livre ennuyé, je regardois les fleurs.
Charmante compagnie et utile et honneste.
Un autre en caquetant m’étourdiroit la teste.


Bouilhet se tourna alors vers moi et sourit. Je vis alors pour la première fois cet étrange et charmant sourire, qui était bien le signe particulier, distinctif, caractéristique de sa figure.

Des gens sourient de la bouche seulement ; lui, il souriait plus encore du regard que des lèvres.

Son œil large et bon, infiniment bon et perçant, s’allumait d’une petite lueur moqueuse et bienveillante. On y voyait distinctement cette ironie toujours en éveil, toujours aiguë, mais paternelle, qui semblait le fond même, la couche résistante de sa nature d’artiste. Car il avait, ce poète doux, gracieux et cornélien, doux par nature, gracieux par raffinement, cornélien par éducation littéraire, par volonté, il avait plus qu’aucun autre la verve railleuse, l’observation mordante, le mot cinglant sans devenir cependant jamais cruel. Son rire était bon enfant.

Je pénétrai dans le logis, intérieur simple de poète, qui ne recherche point