Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, Ollendorff, 1902.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
une ruse

le cadavre et je lui parlai, l’encourageant pour tromper son cocher. — « Allons, mon brave ami, ce ne sera rien ; vous vous sentez déjà mieux, n’est-ce pas ? Du courage, voyons, un peu de courage, faites un petit effort, et c’est fini. »

« Comme je sentais qu’il allait s’écrouler, qu’il me glissait entre les mains, je lui flanquai un grand coup d’épaule qui le jeta en avant et le fit basculer dans la voiture, puis je montai derrière lui.

« Le mari, inquiet, me demandait : « Croyez-vous que ce soit grave ? » Je répondis : « Non » en souriant, et je regardai la femme. Elle avait passé son bras sous celui de l’époux légitime et elle plongeait son œil fixe dans le fond obscur du coupé.

« Je serrai les mains, et je donnai l’ordre de partir. Tout le long de la route, le mort me retomba sur l’oreille droite.

« Quand nous fûmes arrivés chez lui, j’annonçai qu’il avait perdu connaissance en chemin. J’aidai à le remonter dans sa chambre, puis je constatai le décès ; je jouai toute une nouvelle comédie devant sa famille éperdue. Enfin je regagnai mon lit, non sans jurer contre les amoureux. »