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le remplaçant

Or, voici l’aventure invraisemblable arrivée jeudi dernier :

Mon ami Jean d’Anglemare est, vous le savez, capitaine aux dragons, caserné dans le faubourg de la Rivette.

En arrivant au quartier, l’autre matin, il apprit que deux hommes de sa compagnie s’étaient flanqué une abominable tripotée. L’honneur militaire a des lois sévères. Un duel eut lieu. Après l’affaire, les soldats se réconcilièrent, et, interrogés par leur officier, lui racontèrent le sujet de la querelle. Ils s’étaient battus pour Mme Bonderoi.

— Oh !

— Oui, mon ami, pour Mme Bonderoi !

Mais je laisse la parole au cavalier Siballe :

— Voilà l’affaire, mon cap’taine. Y a z’environ dix-huit mois, je me promenais sur le cours, entre six et sept heures du soir, quand une particulière m’aborda.

Elle me dit, comme si elle m’avait demandé son chemin : « Militaire, voulez vous gagner honnêtement dix francs par semaine ? »

Je lui répondis sincèrement : « À vot’service, madame. »