Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/165

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tuez-moi… je vous aime… Christiane… !

Elle le sentait trembler, frissonner à ses pieds. Il lui baisait les genoux maintenant, avec des sanglots profonds dans la poitrine. Elle eut peur qu’il ne devînt fou et se leva pour se sauver. Mais il s’était dressé plus vite qu’elle et l’avait saisie dans ses bras en se jetant sur sa bouche.

Alors, sans un cri, sans révolte, sans résistance, elle se laissa retomber sur l’herbe, comme si cette caresse lui eût cassé les reins en brisant sa volonté. Et il la prit aussi facilement que s’il cueillait un fruit mûr.

Mais à peine eut-il desserré son étreinte, elle se releva et se sauva, éperdue, frissonnante et glacée soudain comme un être qui vient de tomber à l’eau. Il la rejoignit en quelques enjambées et la saisit par le bras en murmurant : « Christiane, Christiane !… prenez garde à votre père. »

Elle se remit à marcher, sans répondre, sans se retourner, allant droit devant elle d’un pas roide et saccadé. Il la suivait maintenant sans oser lui parler.

Dès que le marquis les aperçut, il se leva :

— Allons vite, dit-il, je commençais à avoir froid. C’est très beau, ces choses-là, mais mauvais pour le traitement.

Christiane se serrait contre son père,