Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/217

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— Il faut que je vous voie ce soir, dit-il, tout à l’heure, tout de suite, puisque je ne sais plus quand nous pourrons nous trouver seuls. Savez-vous qu’il y a aujourd’hui juste un mois…

Elle répondit :

— Je le sais.

Il reprit :

— Écoutez, je vais vous attendre sur la route de la Roche-Pradière, avant le village, auprès des châtaigniers. Personne ne remarquera votre absence en ce moment. Venez vite me dire adieu, puisque nous nous séparons demain.

Elle murmura :

— Dans un quart d’heure j’y serai.

Et il sortit pour ne plus rester au milieu de cette foule qui l’exaspérait.

Il prit, à travers les vignes, le sentier suivi un jour, le jour où ils avaient regardé ensemble la Limagne pour la première fois. Et bientôt il fut sur la grand’route. Il était seul, il se sentait seul, seul par le monde. L’immense plaine invisible augmentait encore cette sensation d’isolement. Il s’arrêta juste à l’endroit où ils s’étaient assis, où il lui avait déclamé les vers de Baudelaire sur la Beauté. Comme c’était loin, déjà ! Et, heure par heure, il retrouva dans son souvenir tout ce