Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/218

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qui s’était passé depuis. Jamais il n’avait été aussi heureux, jamais ! Jamais il n’avait aimé aussi éperdument, et, en même temps, aussi chastement, aussi dévotement. Et il se rappelait le soir du gour de Tazenat, voici un mois ce jour-là même, le bois frais, mouillé de lumière pâle, le petit lac d’argent et les gros poissons qui frôlaient sa surface ; et leur retour, quand il la voyait marcher devant lui, dans l’ombre et dans la clarté, sous les gouttes de clair de lune qui lui tombaient sur les cheveux, sur les épaules et sur les bras à travers les feuilles des arbres. C’étaient les heures les plus douces qu’il eût goûtées de sa vie.

Il se tourna pour regarder si elle ne venait point. Il ne la vit pas, mais il aperçut la lune apparue sur l’horizon. La même lune qui s’était levée pour son premier aveu se levait maintenant pour son premier adieu.

Un frisson lui courut sur la peau, un frisson glacé. L’automne venait, l’automne qui précède l’hiver. Il n’avait pas senti, jusqu’à présent, ce premier toucher du froid, qui le pénétrait brusquement comme la menace d’un malheur.

La route blanche, poudreuse, s’allongeait devant lui, pareille à une rivière entre ses berges. Une forme soudain se dressa au détour du chemin. Il la reconnut aussitôt ; et il l’attendit sans bouger, frémissant du