Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/87

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— Très bien, mais vous ne le gagnez point.

— C’est vrai. Je ne sais pas. On ne peut pas tout avoir. Vous savez le gagner, vous, et vous ne savez nullement le dépenser, par exemple. L’argent ne vous paraît propre qu’à vous procurer des intérêts. Moi, je ne sais pas le gagner, mais je sais admirablement le dépenser. Il me procure mille choses que vous ne connaissez que de nom. Nous étions faits pour devenir beaux-frères. Nous nous complétons admirablement.

Andermatt murmura :

— Quel toqué ! Non, vous n’aurez pas cinq mille francs, mais je vous prêterai quinze cents francs… parce que… parce que j’aurai peut-être besoin de vous dans quelques jours.

Gontran répliqua, très calme :

— Alors je les accepte comme acompte.

L’autre lui tapa sur l’épaule sans répondre.

Ils arrivaient auprès du parc éclairé par des lampions pendus aux branches des arbres. L’orchestre du Casino jouait un air classique et lent, qui semblait boiteux, plein de trous et de silences, exécuté par les quatre mêmes artistes, exténués de jouer toujours, matin et soir, dans cette solitude, pour les feuilles et le ruisseau, de produire l’effet de vingt instru-