Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/127

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taches de clarté tombaient comme une pluie dans l’herbe à travers les feuilles, Christiane, qui venait l’avant-dernière, suivie de Paul, entendit soudain une voix haletante qui lui disait, presque dans l’oreille : « Je vous aime ! — Je vous aime ! — Je vous aime ! »

Son cœur se mit à battre si éperdument qu’elle faillit tomber, ne pouvant plus remuer les jambes ! Elle marchait cependant ! Elle marchait, folle, prête à se retourner, les bras ouverts et les lèvres tendues. Il avait saisi maintenant le bord du petit châle dont elle se couvrait les épaules, et il le baisait avec frénésie. Elle continuait à marcher, si défaillante, qu’elle ne sentait plus du tout le sol sous ses pieds.

Soudain elle sortit de la voûte des arbres, et se trouvant en pleine lumière, elle maîtrisa brusquement son trouble ; mais avant de monter en landau et de perdre de vue le lac, elle se tourna à moitié pour jeter vers l’eau avec ses deux mains un grand baiser que comprit bien l’homme qui la suivait.

Pendant le retour, elle demeura inerte d’âme et de corps, étourdie, courbaturée comme après une chute ; et à peine arrivée à l’hôtel, elle monta bien vite s’enfermer dans sa chambre. Quand elle eut poussé le verrou, elle donna un tour de clef, tant elle se sentait encore suivie et désirée. Puis elle demeura frémissante au milieu de l’appartement, presque obscur et vide. La bougie posée sur la table jetait aux murs les ombres tremblantes des