Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/128

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meubles et des rideaux. Christiane s’affaissa dans un fauteuil. Toutes ses idées couraient, sautaient, fuyaient sans qu’elle pût les saisir, les retenir, en faire une chaîne. Elle se sentait prête à pleurer, maintenant, sans savoir pourquoi, navrée, misérable, abandonnée dans cette pièce vide, perdue dans l’existence ainsi que dans une forêt.

Où allait-elle, que ferait-elle ?

Ayant grand’peine à respirer, elle se releva, ouvrit la fenêtre et l’auvent, et s’accouda sur le balustre. L’air était frais. Au fond du ciel immense et vide aussi, la lune, lointaine, solitaire et triste, montée maintenant dans les hauteurs bleuâtres de la nuit, versait une lumière dure et froide sur les feuillages et sur la montagne.

Le pays entier dormait. Seul le chant léger du violon de Saint-Landri, qui étudiait chaque soir très tard, passait et pleurait par moments dans le silence profond du vallon. Christiane l’entendait à peine. Il cessait puis reprenait, le cri grêle et douloureux des cordes nerveuses.

Et cette lune perdue dans ce ciel désert, et ce faible son perdu dans la nuit muette, lui jetèrent au cœur une telle émotion de solitude qu’elle se mit à sangloter. Elle tremblait et tressaillait jusqu’aux moelles, secouée par l’angoisse et les frissons des gens atteints d’un mal redoutable ; et elle s’aperçut brusquement qu’elle aussi était toute seule dans l’existence.

Elle ne l’avait pas compris jusqu’à ce jour ; et