Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/132

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— Fort bien, Monsieur. J’ai dormi admirablement.

Et elle lui tendit la main, avec une crainte qu’il ne la gardât trop. Mais il ne la serra qu’à peine ; et ils se mirent à causer tranquillement comme s’ils avaient oublié l’un et l’autre.

Et la journée se passa sans qu’il fît rien pour rappeler son ardent aveu de la veille. Il demeura, les jours suivants, aussi discret et aussi calme ; et elle prit confiance en lui. Il avait deviné, croyait-elle, qu’il la blesserait en devenant plus hardi ; et elle espéra, elle crut fermement qu’ils s’étaient arrêtés à cette étape charmante de la tendresse où l’on peut s’aimer en se regardant au fond des yeux, sans remords, étant sans souillures.

Elle avait soin, cependant, de ne jamais s’écarter avec lui.

Or, un soir, le samedi de la même semaine où ils avaient été au gour de Tazenat, comme ils remontaient à l’hôtel, vers dix heures, le marquis, Christiane et Paul, car ils avaient laissé Gontran jouant à l’écarté avec MM. Aubry-Pasteur, Riquier et le docteur Honorat dans la grande salle du Casino, Brétigny s’écria, en apercevant la lune qui apparaissait à travers les branches :

— Comme ce serait joli d’aller voir les ruines de Tournoël par une nuit comme celle-ci !

A cette seule pensée, Christiane fut émue, la lune et les ruines ayant sur elle la même influence que sur presque toutes les âmes de femmes.