Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/181

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deux bracelets ornés de perles et d’émeraudes, et, affolées de joie, elles causaient, comme elles n’avaient jamais fait, avec Gontran placé entre les deux. L’aînée elle-même riait de tout son cœur aux plaisanteries du jeune homme, qui s’animait en leur parlant et portait à part lui, sur elles, ces jugements de mâle, ces jugements hardis et secrets qui naissent de la chair et de l’esprit devant toute femme désirable.

Paul ne mangeait point, et ne disait rien… Il lui semblait que sa vie allait finir ce soir-là. Tout à coup, il se souvint qu’il y avait juste un mois écoulé, jour pour jour, depuis leur dîner au lac de Tazenat. Il avait dans l’âme cette souffrance vague, faite plutôt de pressentiments que de chagrins, connue des seuls amoureux, cette souffrance qui rend le cœur si pesant, les nerfs si vibrants que le moindre bruit fait haleter, et l’esprit si misérablement douloureux que tout ce qu’on entend prend un sens pénible pour se rapporter à l’idée fixe.

Dès qu’on eut quitté la table il rejoignit Christiane dans le salon :

— Il faut que je vous voie ce soir, dit-il, tout à l’heure, tout de suite, puisque je ne sais plus quand nous pourrons nous trouver seuls. Savez-vous qu’il y a aujourd’hui juste un mois…

Elle répondit :

— Je le sais.

Il reprit :

— Écoutez, je vais vous attendre sur la route de