Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/183

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Il se tourna pour regarder si elle ne venait point. Il ne la vit pas, mais il aperçut la lune apparue sur l’horizon. La même lune qui s’était levée pour son premier aveu, se levait maintenant pour son premier adieu.

Un frisson lui courut sur la peau, un frisson glacé. L’automne venait, l’automne qui précède l’hiver. Il n’avait pas senti, jusqu’à présent, ce premier toucher du froid, qui le pénétrait brusquement comme la menace d’un malheur.

La route blanche, poudreuse, s’allongeait devant lui, pareille à une rivière entre ses berges. Une forme soudain se dressa au détour du chemin. Il la reconnut aussitôt ; et il l’attendit sans bouger, frémissant du bonheur mystérieux de la sentir s’approcher, de la voir venir vers lui, pour lui.

Elle allait à petits pas, sans oser l’appeler, inquiète de ne point le découvrir encore, car il restait caché sous un arbre, et troublée par le grand silence, par la claire solitude de la terre et du ciel. Et, devant elle, son ombre s’avançait noire et démesurée, la précédant de loin, semblant apporter vers lui quelque chose d’elle, avant elle-même.

Christiane s’arrêta et l’ombre aussi resta immobile, couchée, tombée sur la route.

Paul fit rapidement quelques pas, jusqu’à la place où la forme de la tête s’arrondissait sur le chemin. Alors, comme s’il eût voulu ne rien perdre d’elle, il s’agenouilla et, se prosternant, posa sa bouche au bord de la sombre silhouette. Ainsi qu’un