Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/308

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Il courut donc chez lui, et le trouva faisant, à grand’peine, ses comptes sur un bout de papier graisseux, avec l’aide de Colosse qui additionnait sur ses doigts.

S’étant assis :

— Je boirais bien un verre de votre bon vin, dit-il.

Dès que le grand Jacques fut revenu apportant les verres et le broc tout plein, il demanda si M~’ Louise était rentrée ; puis il pria qu’on l’appelât. Quand elle fut en face de lui, il se leva et, la saluant profondément :

— Mademoiselle, voulez-vous me considérer en ce moment comme un ami à qui on peut tout dire ? Oui, n’est-ce pas ? Eh bien, je suis chargé d’une mission très délicate auprès de vous. Mon beau-frère, le comte Raoul-Olivier-Gontran de Ravenel, s’est épris de vous, ce dont je le loue, et il m’a chargé de vous demander, devant votre famille, si vous consentiriez à devenir sa femme.

Surprise ainsi, elle tourna vers son père des yeux troublés. Et le père Oriol, effaré, regarda son fils, son conseil ordinaire ; et Colosse regarda Andermatt qui reprit avec une certaine morgue :

— Vous comprenez, Mademoiselle, que je ne me suis chargé de cette mission qu’en promettant une réponse immédiate à mon beau-frère. Il sent très bien qu’il peut ne pas vous plaire et, dans ce cas, il quittera demain ce pays pour n’y plus jamais revenir. Je sais en outre que vous le connaissez suf-