Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/356

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ne peux plus marcher. Porte-moi comme tu faisais au-dessus des gorges ? Te rappelles-tu !… comme tu m’aimais ! »

Puis elle poussa un cri d’angoisse ; une horreur passa dans ses yeux. Elle voyait une bête morte devant elle et suppliait qu’on l’ôtât de là sans lui faire de mal.

Le marquis dit tout bas à son gendre :

— Elle pense à un âne que nous avons rencontré en revenant de la Nugère.

Maintenant elle parlait à cette bête morte, la consolait, lui racontait qu’elle était aussi très malheureuse, elle, bien plus malheureuse, parce qu’on l’avait abandonnée.

Puis tout à coup elle refusa quelque chose exigée d’elle. Elle criait : « Oh ! non, pas cela ! Oh ! c’est toi… toi… qui veux me faire traîner cette voiture !… »

Alors elle haleta, comme si elle eût traîné une voiture, en effet. Elle pleurait, gémissait, poussait des cris, et toujours, pendant plus d’une demi-heure, elle monta cette côte, en tirant derrière elle, avec des efforts horribles, la charrette de l’âne, sans doute.

Et quelqu’un la frappait durement, car elle disait : « Oh ! que tu me fais mal ! Au moins ne me bats plus, je marcherai… mais ne me bats plus, je t’en supplie… Je ferai ce que tu voudras, mais ne me bats plus !… »

Puis son angoisse se calma peu à peu et elle ne