Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/67

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va pas, je dirai non, et je m’en irai. Je ne marchande jamais, moi.

Le paysan, homme d’affaires à sa manière, et fin comme pas un, répondit avec politesse qu’il verrait, qu’il était honoré, qu’il réfléchirait, et il offrit un verre de vin.

Andermatt accepta, et comme le jour baissait, Oriol dit à ses filles, qui s’étaient remises à travailler, les yeux baissés sur l’ouvrage :

— Baillez de la lumière, pitiotes.

Elles se levèrent toutes les deux ensemble, passèrent dans une pièce voisine, puis revinrent, l’une portant deux bougies allumées, l’autre quatre verres sans pied, des verres de pauvre. Les bougies étaient neuves, ornées de bobèches de papier rose, placées en ornement sans doute sur la cheminée des fillettes.

Alors Colosse se dressa ; car les mâles seuls allaient au cellier.

Andermatt eut une idée.

— Ca me ferait plaisir de voir votre cellier. Vous êtes le premier vigneron du pays, il doit être fort beau !

Oriol, touché au cœur, s’empressa de les conduire, et prenant un des flambeaux passa le premier. On retraversa la cuisine, puis on descendit dans une cour où un reste de clarté laissait deviner des tonnes vides debout, des meules de granit géantes roulées dans un coin, percées d’un trou au milieu, pareilles aux roues de quelque char antique et co-