Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lossal, un pressoir démonté avec ses vis de bois, ses membres bruns vernis par l’usure et luisant soudain dans l’ombre sous un reflet de la lumière, puis des instruments de travail dont l’acier poli par la terre avait des éclats d’arme de guerre. Toutes ces choses s’éclairaient peu à peu à mesure que le vieux passait devant elles, portant d’une main sa bougie et faisant de l’autre un réflecteur.

On sentait déjà le vin, le raisin pilé, séché. Ils arrivèrent devant une porte fermée par deux serrures. Oriol l’ouvrit, et élevant soudain au-dessus de sa tête le flambeau, montra vaguement une longue suite de barriques alignées et portant sur leur flanc ventru un second rang de fûts moins gros. Il fit voir d’abord que cette cave de plain-pied s’enfonçait dans la montagne, puis il expliqua les contenus des pièces, les âges, les récoltes, les mérites, puis, lorsqu’on fut arrivé devant le cru de la famille, il caressa de la main la futaille ainsi qu’on fait sur la croupe d’un cheval aimé, et d’une voix fière :

— Vous allez goûter chélui-là. Il n’y a pas un vin en bouteille qui le vaille, pas un, ni à Bordeaux ni ailleurs.

Car il avait l’amour violent des campagnards pour le vin resté en pièce.

Colosse, qui suivait portant un broc, se pencha, tourna le robinet de la chantepleure, tandis que le père l’éclairait avec précaution comme s’il eût accompli un travail difficile et minutieux.

La bougie frappait en plein leurs visages, la tête