Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/71

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les regarder comme vous aimez regarder un Téniers, vous. Rien ne me plaît à voir autant qu’une jolie fille, n’importe où, de n’importe quelle classe. Ce sont mes bibelots, à moi. Je ne collectionne pas, mais j’admire, j’admire passionnément, en artiste, mon cher, en artiste convaincu et désintéressé ! Que voulez-vous, j’aime ca ! A propos, vous ne pourriez pas me prêter cinq mille francs ?

L’autre s’arrêta et murmura un : « Encore ! » énergique.

Gontran répondit avec simplicité : « Toujours ! » Puis ils se remirent à marcher.

Andermatt reprit :

— Que diable faites-vous de l’argent ?

— Je le dépense.

— Oui, mais vous le dépensez avec excès.

— Mon cher ami, j’aime autant dépenser l’argent que vous aimez le gagner. Comprenez-vous ?

— Très bien, mais vous ne le gagnez point.

— C’est vrai. Je ne sais pas. On ne peut pas tout avoir. Vous savez le gagner, vous, et vous ne savez nullement le dépenser, par exemple. L’argent ne vous paraît propre qu’à vous procurer des intérêts. Moi, je ne sais pas le gagner, mais je sais admirablement le dépenser. Il me procure mille choses que vous ne connaissez que de nom. Nous étions faits pour devenir beaux-frères. Nous nous complétons admirablement.

Andermatt murmura :

— Quel toqué ! Non, vous n’aurez pas cinq mille