Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/70

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tous deux serrèrent avec énergie les mains des deux paysans, puis ils saluèrent de nouveau, avec cérémonie, les jeunes filles qui répondirent, sans se lever cette fois, par un léger mouvement de tête.

Dès qu’ils furent dans la rue, Andermatt se remit à parler.

— Hein, mon cher, quelle curieuse famille ! Comme elle est palpable ici, la transition du peuple au monde ! On avait besoin du fils pour cultiver la vigne, afin d’économiser le salaire d’un homme - stupide économie - n’importe, on l’a gardé ; et il est côté peuple. Quant aux filles, elles sont côté monde, presque tout à fait déjà. Qu’elles fassent des mariages propres, et elles seront aussi bien que n’importe laquelle de nos femmes, et même beaucoup mieux que la plupart. Je suis content de voir ces gens-là autant qu’un géologue de trouver un animal de la période tertiaire !

Gontran demanda :

— Laquelle préférez-vous ?

— Laquelle ? comment, laquelle ? Laquelle quoi ?…

— De ces fillettes ?

— Ah ! par exemple, je n’en sais rien ! Je ne les ai pas regardées au point de vue de la comparaison. Mais qu’est-ce que cela peut vous faire, vous n’avez pas l’intention d’en enlever une ?

Gontran se mit à rire :

— Oh ! non, mais je suis ravi de rencontrer pour une fois des femmes fraîches, vraiment fraîches, fraîches comme on ne l’est jamais chez nous. J’aime