Page:Maupassant - Opinion publique, paru dans Le Gaulois, 21 mars 1881.djvu/5

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bureaucrate, quoi !

— Il y aurait à dire, articula M. Bonnenfant. L’autorité a des limites ; un chef n’a pas le droit de réglementer mon déjeuner et de régner sur mon appétit. Mon travail lui appartient, mais non mon estomac. Le cas est regrettable, c’est vrai ; mais il y aurait à dire.

L’aspirant sous-chef, M. Piston, exaspéré, s’écria :

— Moi, Monsieur, je dis qu’un chef doit être maître dans son bureau, comme un capitaine à son bord ; l’autorité est indivisible, sans quoi il n’y a pas de service possible. L’autorité du chef vient du gouvernement : il représente l’État dans le bureau ; son droit absolu de commandement est indiscutable.

M. Bonnenfant se fâchait aussi. M. Rade les apaisa :

— Voilà ce que j’attendais, dit-il. Un mot de plus, et Bonnenfant enfonçait son couteau à papier dans le ventre de Piston. Pour les rois, c’est la même chose.