Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/106

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études et parce qu’un homme ne doit jamais rester à rien faire.

Le père Roland, qui pelait une poire, déclara :

— Cristi ! à ta place, c’est moi qui achèterais un joli bateau, un cotre sur le modèle de nos pilotes. J’irais jusqu’au Sénégal, avec ça.

Pierre, à son tour, donna son avis. En somme, ce n’était pas la fortune qui faisait la valeur morale, la valeur intellectuelle d’un homme. Pour les médiocres elle n’était qu’une cause d’abaissement, tandis qu’elle mettait au contraire un levier puissant aux mains des forts. Ils étaient rares d’ailleurs, ceux-là. Si Jean était vraiment un homme supérieur, il le pourrait montrer maintenant qu’il se trouvait à l’abri du besoin. Mais il lui faudrait travailler cent fois plus qu’il ne l’aurait fait en d’autres circonstances. Il ne s’agissait pas de plaider pour ou contre la veuve et l’orphelin et d’empocher tant d’écus pour tout procès gagné ou perdu, mais de devenir un jurisconsulte éminent, une lumière du droit.