Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/128

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tout son plaisir et nous chagriner tous. C’est vilain, ce que tu fais là !

Il murmura en haussant les épaules :

— Qu’il fasse ce qu’il voudra, je l’ai prévenu.

Mais le père Roland ne buvait pas. Il regardait son verre, son verre plein de vin lumineux et clair, dont l’âme légère, l’âme enivrante s’envolait par petites bulles venues du fond et montant, pressées et rapides, s’évaporer à la surface ; il le regardait avec une méfiance de renard qui trouve une poule morte et flaire un piège.

Il demanda, en hésitant :

— Tu crois que ça me ferait beaucoup de mal ?

Pierre eut un remords et se reprocha de faire souffrir les autres de sa mauvaise humeur :

— Non, va, pour une fois, tu peux le boire ; mais n’en abuse point et n’en prends pas l’habitude.

Alors le père Roland leva son verre sans se décider encore à le porter à sa bouche. Il le contemplait douloureusement, avec envie et avec