Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/129

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crainte ; puis il le flaira, le goûta, le but par petits coups, en les savourant, le cœur plein d’angoisse, de faiblesse et de gourmandise, puis de regrets, dès qu’il eut absorbé la dernière goutte.

Pierre, soudain, rencontra l’œil de Mme  Rosémilly ; il était fixé sur lui limpide et bleu, clairvoyant et dur. Et il sentit, il pénétra, il devina la pensée nette qui animait ce regard, la pensée irritée de cette petite femme à l’esprit simple et droit, car ce regard disait : « Tu es jaloux, toi. C’est honteux, cela. »

Il baissa la tête en se remettant à manger.

Il n’avait pas faim, il trouvait tout mauvais. Une envie de partir le harcelait, une envie de n’être plus au milieu de ces gens, de ne plus les entendre causer, plaisanter et rire.

Cependant le père Roland, que les fumées du vin recommençaient à troubler, oubliait déjà les conseils de son fils et regardait d’un œil oblique et tendre une bouteille de champagne presque pleine encore à côté de son assiette. Il n’osait la toucher, par crainte d’ad-