Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/245

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par le salon. Elle n’était point revenue ; donc elle n’avait pas osé.

Pierre tout à coup frappant du pied, cria :

— Tiens, je suis un cochon d’avoir dit ça !

Et il s’enfuit, nu-tête, dans l’escalier.

Le bruit de la grande porte de la rue, retombant avec fracas, réveilla Jean de la torpeur profonde où il était tombé. Quelques secondes s’étaient écoulées, plus longues que des heures, et son âme s’était engourdie dans un hébétement d’idiot. Il sentait bien qu’il lui faudrait penser tout à l’heure, et agir, mais il attendait, ne voulant même plus comprendre, savoir, se rappeler, par peur, par faiblesse, par lâcheté. Il était de la race des temporiseurs qui remettent toujours au lendemain ; et quand il lui fallait, sur-le-champ, prendre une résolution, il cherchait encore, par instinct, à gagner quelques moments.

Mais le silence profond qui l’entourait maintenant, après les vociférations de Pierre, ce silence subit des murs, des meubles, avec cette lumière vive des six bougies et des deux lam-