Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/246

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pes, l’effraya si fort tout à coup qu’il eut envie de se sauver aussi.

Alors il secoua sa pensée, il secoua son cœur, et il essaya de réfléchir.

Jamais il n’avait rencontré une difficulté dans sa vie. Il est des hommes qui se laissent aller comme l’eau qui coule. Il avait fait ses classes avec soin, pour n’être pas puni, et terminé ses études de droit avec régularité parce que son existence était calme. Toutes les choses du monde lui paraissaient naturelles sans éveiller autrement son attention. Il aimait l’ordre, la sagesse, le repos par tempérament, n’ayant point de replis dans l’esprit ; et il demeurait, devant cette catastrophe, comme un homme qui tombe à l’eau sans avoir jamais nagé.

Il essaya de douter d’abord. Son frère avait menti par haine et par jalousie ?

Et pourtant, comment aurait-il été assez misérable pour dire de leur mère une chose pareille s’il n’avait pas été lui-même égaré par le désespoir ? Et puis Jean gardait dans l’oreille,