Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/255

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— Non, je te le jure. Et puis, écoute : si tu pars, je m’engage et je me fais tuer.

Elle fut bouleversée par cette menace puérile et étreignit Jean en le caressant avec une tendresse passionnée. Il reprit :

— Je t’aime plus que tu ne crois, va, bien plus, bien plus. Voyons, sois raisonnable. Essaye de rester seulement huit jours. Veux-tu me promettre huit jours ? Tu ne peux pas me refuser ça ?

Elle posa ses deux mains sur les épaules de Jean, et le tenant à la longueur de ses bras :

— Mon enfant… tâchons d’être calmes et de ne pas nous attendrir. Laisse-moi te parler d’abord. Si je devais une seule fois entendre sur tes lèvres ce que j’entends depuis un mois dans la bouche de ton frère, si je devais une seule fois voir dans tes yeux ce que je lis dans les siens, si je devais deviner rien que par un mot ou par un regard que je te suis odieuse comme à lui… une heure après, tu entends, une heure après… je serais partie pour toujours.