Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/95

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Il eut une inspiration : « Je vais boire un verre de liqueur chez le père Marowsko » ; et il remonta vers le quartier d’Ingouville.

Il avait connu le père Marowsko dans les hôpitaux, à Paris. C’était un vieux Polonais, réfugié politique, disait-on, qui avait eu des histoires terribles là-bas, et qui était venu exercer en France, après nouveaux examens, son métier de pharmacien. On ne savait rien de sa vie passée ; aussi des légendes avaient-elles couru parmi les internes, les externes, et plus tard parmi les voisins. Cette réputation de conspirateur redoutable, de nihiliste, de régicide, de patriote prêt à tout, échappé à la mort par miracle, avait séduit l’imagination aventureuse et vive de Pierre Roland ; et il était devenu l’ami du vieux Polonais, sans avoir jamais obtenu de lui, d’ailleurs, aucun aveu sur son existence ancienne. C’était encore grâce au jeune médecin que le bonhomme était venu s’établir au Havre, comptant sur une belle clientèle que le nouveau docteur lui fournirait.

En attendant il vivait pauvrement dans sa mo-