Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/12

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le ciel et les astres, agitée déjà par les souffles du vent.

Il nous arrivait sec et froid de la montagne invisible encore qu’on sentait chargée de neige. Il était très faible, à peine éveillé, indécis et intermittent.

Maintenant, les hommes embarquaient l’ancre, je pris la barre ; et le bateau, pareil à un grand fantôme, glissa sur l’eau tranquille. Pour sortir du port, il nous fallait louvoyer entre les tartanes et les goélettes ensommeillées. Nous allions d’un quai à l’autre, doucement, traînant notre canot court et rond qui nous suivait comme un petit, à peine sorti de l’œuf, suit un cygne.

Dès que nous fûmes dans la passe, entre la jetée et le fort carré, le yacht, plus ardent, accéléra sa marche et sembla s’animer comme si une gaieté fût entrée en lui. Il dansait sur les vagues légères, innombrables et basses, sillons mouvants d’une plaine illimitée. Il sentait la vie de la mer en sortant de l’eau morte du port.

Il n’y avait pas de houle, je m’engageai entre