Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/211

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journaux, des livres, s’étonnant de trouver en elle des idées, ou plutôt des restes d’idées qui ne semblaient point de sa caste. Elle n’était d’ailleurs ni lettrée, ni intelligente, ni spirituelle, mais semblait avoir, au fond de sa mémoire, des traces de pensées oubliées, le souvenir endormi d’une éducation ancienne.

Un jour, elle lui demanda son nom.

— Je m’appelle le comte de X…, dit-il.

Elle reprit, mue par une de ces obscures vanités gîtées au fond de toutes les âmes :

— Moi aussi, je suis noble !

Puis elle continua, parlant pour la première fois assurément de cette chose si vieille, inconnue de tous.

— Je suis la fille d’un colonel. Mon mari était sous-officier dans le régiment que commandait papa. Je suis devenue amoureuse de lui, et nous nous sommes sauvés ensemble.

— Et vous êtes venus ici ?

— Oui, nous nous cachions.

— Et vous n’avez jamais revu votre famille ?