Page:Maupassant - Sur l’eau, OC, Conard, 1908.djvu/198

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toujours, tandis que l’autre, la montagne verte, ne semblait plus qu’une naine à ses pieds.

La ville avait disparu dans le lointain.

Rien que la mer bleue autour de nous, sous nous, devant nous et les Alpes blanches derrière nous, les Alpes géantes avec leur lourd manteau de neiges.

Au-dessus de nous, le ciel léger, d’un bleu doux doré de lumière !

Oh ! la belle journée !

Pol reprit : « Ça doit être affreux, cette mort-là, sous cette lourde mousse de glace ! »

Et doucement porté par le flot, bercé par le mouvement des rames, loin de la terre, dont je ne voyais plus que la crête blanche, je pensais à cette pauvre et petite humanité, à cette poussière de vie, si menue et si tourmentée, qui grouillait sur ce grain de sable perdu dans la poussière des mondes, à ce misérable troupeau d’hommes, décimé par les maladies, écrasé par les avalanches, secoué et affolé par les tremblements de terre, à ces pauvres petits êtres invisibles d’un kilomètre, et si fous, si vaniteux, si querelleurs, qui s’entretuent, n’ayant que quelques jours à vivre. Je comparais les moucherons qui vivent