Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/178

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Madame de Sallus.

C’est justement parce qu’il y a beaucoup d’obstacles que votre tendresse ne languit point.

Jacques de Randol.

Oh ! Madeleine, pouvez-vous dire cela ?

Madame de Sallus.

Croyez-moi, si votre affection a des chances de durer, c’est surtout parce qu’elle n’est pas libre.

Jacques de Randol.

Vrai, je n’ai jamais vu de femme aussi positive que vous. Alors, vous croyez que si le hasard faisait que je fusse votre mari, je cesserais de vous aimer ?

Madame de Sallus.

Pas tout de suite, mais bientôt.

Jacques de Randol.

C’est révoltant, ce que vous dites !

Madame de Sallus.

Non, c’est juste. Vous savez, quand un confiseur prend à son service une vendeuse gourmande, il lui dit : « Mangez des bonbons tant que vous voudrez, mon enfant. » Elle s’en gorge pendant huit jours, puis elle en est dégoûtée pour le reste de sa vie.

Jacques de Randol.

Ah çà ! voyons, pourquoi m’avez-vous… distingué ?